C’est une affaire qui aurait pu rester enfouie dans les méandres des archives judiciaires, mais le doyen des juges a décidé de faire sortir ce dossier explosif des tiroirs. Comme le révèle Libération, une transaction controversée de 20 millions de dollars impliquant la société minière canadienne Teranga Gold et ses partenaires sénégalais refait surface. Ce scandale, vieux de plusieurs années, mêle soupçons de faux, escroquerie et manœuvres frauduleuses.
Un litige né dans les gisements aurifères de Sabodala
Tout commence en 2003, lorsque l’État du Sénégal ouvre un appel d’offres pour l’exploitation des périmètres aurifères de Sabodala. La société canadienne Oromin Ltd remporte le marché et s’associe à divers partenaires, dont Badr Investment and Finance, une entreprise sénégalaise dirigée par Serigne Ndiaye Bouna (75 %) et le Saoudien Ayman Fadil (25 %). De cette alliance naît la société Oromin Joint Venture Group (OJVG), enregistrée aux Îles Vierges britanniques.
En 2011, le projet entre dans sa phase d’exploitation avec la création de Somigol, une société d’exploitation où l’État sénégalais détient 10 % du capital. Toutefois, des différends éclatent entre actionnaires sur la gestion des fonds et la répartition des bénéfices. Ces tensions s’accentuent lorsque Teranga Gold Corporation, une société canadienne, entre en scène avec l’intention d’acquérir OJVG.
Un accord au goût amer
Après des négociations longues et complexes, Teranga Gold parvient en 2013 à conclure un accord avec Badr pour racheter ses parts (13 %) dans OJVG contre une somme totale de 20,258 millions de dollars. L’accord prévoit un paiement initial de 7,5 millions de dollars et des versements supplémentaires conditionnés à l’augmentation des réserves d’or et au prix du métal sur le marché. Mais rapidement, les promesses de Teranga Gold s’effondrent.
Selon Libération, dès janvier 2015, Teranga refuse de verser les acomptes restants, arguant de conditions non remplies. Les actionnaires de Badr, qui espéraient un partenariat loyal, se retrouvent face à une société qui multiplie les stratagèmes pour éviter de payer. Malgré quelques paiements partiels en 2016, les montants restent bien en deçà des attentes initiales.
Une bataille judiciaire qui s’enlise
Face à ce qu’ils qualifient de « manœuvres frauduleuses », les actionnaires de Badr portent plainte en 2020 pour faux, usage de faux et escroquerie. Mais l’affaire piétine. Richard Young, PDG de Teranga Gold, visé par un mandat d’arrêt, parvient à l’annuler et évite de se rendre au Sénégal. Le dossier semblait enterré jusqu’à ce que le nouveau doyen des juges décide de le relancer.
Libération rapporte qu’une convocation à l’encontre de Richard Young a été transmise à la Division des Investigations Criminelles (DIC). Ce rebondissement pourrait enfin permettre de tirer au clair les zones d’ombre qui entourent cette affaire, notamment l’évaluation des gisements et les conditions contractuelles de la transaction.
Une affaire symptomatique de la gestion des ressources naturelles
Ce scandale met en lumière les enjeux et les conflits autour de l’exploitation des ressources naturelles au Sénégal. Entre accusations de fraude, pressions internationales et dysfonctionnements judiciaires, l’affaire Teranga Gold reflète les défis liés à la gouvernance des richesses minières.
Le dénouement reste incertain, mais pour Serigne Ndiaye Bouna et les actionnaires de Badr, il s’agit avant tout de restaurer leur honneur et de récupérer ce qui leur est dû. La justice sénégalaise saura-t-elle relever le défi ? Une chose est sûre : ce dossier est loin d’être clos.
CMG, Libération