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Elles sont toutes des féministes et luttent pour l’épanouissement et le respect des droits des femmes sur tous les plans. Cependant, leurs avis divergent sur les méthodes de lutte pour parvenir à leurs fins, et leurs réactions après l’annonce du sit-in à poil prévu le 31 décembre prochain à Dakar, pour dénoncer les viols subis par les femmes, en sont un exemple manifeste.

« Sit-in Freedom Day ; dress code : nue/tatou néne ; 31 décembre 2024 ; contre la culture du viol pour l’application du protocole de Maputo et pour qu’on nous foute la paix », tel est le message posté sur une affiche le lundi 16 décembre 2024 par le Collectif des féministes du Sénégal via son compte X. Des mots qui ont suscité des réactions, tant de la part des hommes que des femmes, y compris des féministes.

« Nous disons non à cette forme de protestation qui ne correspond pas à notre culture et à notre identité. Au Sénégal, la femme est libre et mérite d’être respectée pour sa force et sa bravoure. Nous disons non à la nudité comme moyen d’expression, car cela ne fait qu’affaiblir la lutte pour les droits des femmes », a écrit Oumoul Diallo Diouf, féministe, mercredi sur X. Défenseure d’une égalité pleine des genres et contre toute exploitation et oppression sexistes, Mme Diouf dit « non » à toute forme de « politisation » ou de « manipulation » de leur lutte. « Nous affirmons qu’il n’y a pas de recul démocratique au Sénégal ; la liberté d’expression doit se pratiquer de manière responsable et respectueuse. Nous disons un grand OUI à l’émancipation des femmes, mais jamais au détriment de notre dignité », a-t-elle ajouté.

Pour cette féministe sénégalaise, il est « essentiel » que leur lutte soit menée avec « honneur », en s’inspirant des grandes guerrières africaines qui ont su défendre leur identité et leur culture. « Nous disons oui à un respect mutuel et à une lutte qui valorise notre héritage. Respectons notre histoire et construisons un avenir digne pour toutes les femmes », a-t-elle lancé.

À l’image de Mme Diouf, une autre féministe nous confie sous couvert de l’anonymat qu’elle ne « marcherait jamais nue ». Même si elle approuve ce coup de communication du Collectif des féministes sénégalaises, elle explique : « En termes de lutte, il y a plusieurs moyens qui sont utilisés. Donc, les gens n’ont pas à leur dire comment elles doivent communiquer. Peut-être qu’on peut dire qu’on est au Sénégal, un pays de culture et de religion, etc. », défend cette femme qui estime que, depuis lors, les combats menés de façon pacifique et « éthique » n’ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi, cette féministe trouve cette nouvelle forme de communication adaptée pour se faire entendre.

Khadija Gassama (sociologue) : « Le féminisme au Sénégal peut ne pas être le même que le féminisme en Europe »

Pour sa part, la sociologue Khadija Gassama, qui se décrit également comme féministe, souligne que le féminisme au Sénégal « peut ne pas être le même » que celui pratiqué en Europe. « Parce que l’être humain est un être social. Nous sommes dans un moule social, avec des valeurs qui nous sont inculquées de part et d’autre. Il y a aussi un système de socialisation qui a été mis en place. L’individu ne peut pas faire abstraction de cette socialisation-là », relève la sociologue. Elle précise que, lorsqu’on cherche à « copier » le féminisme tel qu’il se pratique en Occident, les féministes risquent d’être en « porte-à-faux », en contradiction avec ce qu’elles veulent sur le plan social.

« Surtout sur ce plan précis où il est question de nudité. C’est un contexte social, culturel et religieux. Ce n’est pas un pays où on apprécie la nudité de la femme, même de l’homme, que ce soit les chrétiens ou les musulmans. Ce n’est pas quelque chose qui est apprécié et bien vu », rappelle-t-elle.

Ainsi, Dr Khadija Gassama estime que, si les féministes veulent communiquer dans ce contexte-là et appeler les gens à la nudité, elles doivent « faire attention ». Elles risquent de mal communiquer le message. « Et moi, j’en appelle à une sensibilisation, parce que je lutte pour les causes des femmes, car moi aussi, je souhaite être une femme épanouie, constitutionnellement, socialement, etc. », préconise la sociologue.

Ce que dit la législation sénégalaise sur l’attentat à la pudeur

Au-delà des dénonciations des féministes concernant l’appel à la nudité lors de leur manifestation, il convient de noter que la législation sénégalaise sanctionne les attentats aux mœurs. « Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur sera punie d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 20 000 à 200 000 francs », prévoit la loi n° 66-16 du 1er février 1966 en son article 318. « Tout attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violence sur la personne d’un enfant, quel que soit son sexe, âgé de moins de treize ans, sera puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans. Sera puni du maximum de la peine, l’attentat à la pudeur commis par un ascendant ou toute personne ayant autorité sur la victime mineure, même âgée de plus de treize ans », renchérit l’article 319 de cette même loi.

Mariama DIEME

editor

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