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Dans un pays où la liberté de la presse est souvent brandie comme un pilier de la démocratie, il est légitime de s’interroger sur le rôle des journalistes dans les moments cruciaux de l’histoire nationale. Ces dernières années, le Sénégal a traversé des périodes particulièrement difficiles, marquées par la violence, la répression et l’injustice. Pourtant, nombre de ceux qui sont censés informer, dénoncer et éveiller les consciences ont souvent choisi de se taire ou, pire encore, de devenir des instruments au service du pouvoir.

La Casamance, cette région du sud du pays, en a payé un lourd tribut. Lorsque le bateau Le Joola, essentiel pour relier cette région au reste du Sénégal, a été interdit de circulation, c’est toute une population qui s’est retrouvée coupée du monde. Le silence des médias à ce moment-là était assourdissant. Où étaient les voix des Madiambal Diagne, Mamoudou Ibra Kane, Maïmouna Ndour Faye, et de tant d’autres? Ceux qui avaient la responsabilité d’interpeller les autorités, de relayer les cris de détresse d’une région asphyxiée sur le plan économique, ont préféré détourner le regard. Le fait que la population soutenait une figure politique comme Ousmane Sonko a-t-il influencé cette indifférence? Il est difficile de ne pas y voir un lien.

Lorsqu’on tuait des enfants dans les rues, que les balles fusaient et que le sang coulait, certains médias, loin de couvrir ces événements tragiques, passaient en boucle des dessins animés. À ce moment-là, les journalistes avaient un choix à faire : celui de la vérité ou celui de la connivence. Malheureusement, beaucoup ont choisi le camp de la facilité, celui de la compromission. Combien d’entre eux se sont élevés contre la stigmatisation systématique des Casamançais, souvent réduits à leur patronyme à consonance diola? Très peu, pour ne pas dire aucun.

L’indignation face à l’injustice aurait dû être le leitmotiv de toute une profession. Pourtant, dans cette lutte que le peuple sénégalais a menée avec dignité, nombre de journalistes ont préféré servir les intérêts d’un pouvoir aux abois, prêt à tout pour conserver son emprise. Ils ont pactisé avec le diable, troquant leur intégrité contre des privilèges matériels, des chaînes de télévision et des projets immobiliers. Ils ont choisi d’être les faire-valoir d’un régime oppressif, sacrifiant ainsi leur mission première : celle d’informer en toute indépendance.

Aujourd’hui, certains d’entre eux tentent de se poser en victimes, en défenseurs de la liberté d’expression. Mais le peuple n’est pas dupe. Il a vu, il sait. La confiance est brisée, et il faudra plus que des paroles pour la restaurer. Le journalisme ne doit pas être confondu avec le mercenariat de la plume, et ceux qui se sont compromis doivent en assumer les conséquences. Il est temps de redonner ses lettres de noblesse à cette profession si cruciale pour la démocratie, en réaffirmant son rôle d’éclaireur, de vigie, au service du peuple et non des puissants.

Le Sénégal mérite mieux. Il mérite un journalisme libre, courageux, et véritablement indépendant. Un journalisme qui ne pactise pas avec le diable, mais qui reste fidèle à la vérité, quoi qu’il en coûte.

Maky Madiba Sylla ( cinéaste et artiste musicien)

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