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La Falémé se meurt. Du fait de l’exploitation traditionnelle de l’or, le fleuve est devenu le réceptacle du mercure, cyanure et du sable extrait des mines d’or à ciel ouvert. L’Etat du Sénégal a pris un décret le 31 juillet dernier pour suspendre jusqu’en 2027 l’exploitation de l’or sur un rayon de 500 m afin de sauver ce cours d’eau. Sur le terrain, aucun signe de respect de la décision de l’autorité n’a lieu. Les populations locales, les Chinois et les autres nationalités qui y travaillent continuent de vaquer tranquillement à leurs occupations.  Récit d’une immersion de journalistes et du Forum Civil dans quelques villages environnants du site.

Farading, dans le département de Saraya, au bout d’une route cahoteuse, fait partie des villages qui longent la Falémé. Comme partout dans la zone, l’orpaillage traditionnel est l’activité principale des habitants.  Pour y aller, on se perd dans une brousse d’où sortent furtivement de petits singes qui sautillent sur une route très empruntée par les gros porteurs maliens.  La vie dans ce village se résume à de petits privilèges.  L’eau potable y est un luxe ; la nappe étant fortement été contaminée par l’extraction de l’or. Le déplacement se fait en motos et même les femmes en couche n’y échappent pas. En période de labeur, elles sont transportées à bord de ces moyens de locomotion à Saraya au péril de leur vie. Ce qui doit être un poste de santé n’est qu’une construction à l’arrêt depuis trois ans, nous dit-on.  Ici, la vibration des machines destinées à l’extraction de l’or rythme le quotidien villageois. « Le vrombissement des machines détruit nos habitations. Nos constructions ne durent pas », se plaint le chef de village Diatiba Sissoko. La présence de ces outils qui tirent l’eau de la Falémé est attestée par le bruit des moteurs audibles de tout bord. Non loin du village, des ressortissants du Burkina Faso sont à l’œuvre. La moindre présence suspecte les retranche sous les arbres. L’un d’eux tente de motiver leur présence en terre sénégalaise par le terrorisme qui mine leur pays d’origine.  Ces hommes ont élu domicile dans la forêt. La défécation à l’air libre atteste de leur présence aux abords de la Falémé. Il faut être attentif pour ne pas marcher dessus dans sa marche pénible vers le cours d’eau.  Mamadou, le chef d’équipe, explique : «  je suis resté ici pour gagner ma vie et avoir de quoi survivre. Je travaille pour le compte d’un propriétaire sénégalais ».

Juste à côté d’eux, de jeunes Sénégalais assurent la surveillance d’un périmètre. Un Chinois sous la garde de ses deux chiens fait la ronde. Il est dans l’exploitation semi-mécanisée de l’or et continue ses activités. «  Cela fait trois ans que nous vivons ce problème ; des  Chinois exploitent l’or avec la complicité de Sénégalais. Ils n’ont que quelques permis dans la Falémé et profitent de ces documents pour étendre leurs activités. Vous avez remarqué que, jusqu’à présent, ils n’ont pas arrêté les travaux », se désole Bamba Diango, un jeune de la contrée.  Dans cette partie du Sénégal, les animaux ne survivent plus du fait de la forte teneur de produits toxiques recensée dans la zone.  Leurs propriétaires sont obligés de les déplacer vers d’autres lieux. « L’eau de la Falémé est contaminée. Si les animaux la boivent, ils meurent», raconte-t-il. Bamba Diango fonde beaucoup d’espoir dans la décision d’interdiction prise par l’Etat et souhaite la mise en place de comités villageois pour la surveillance.

Moussala, ville frontalière avec le pays, subit fortement les conséquences de l’exploitation. « Les orpailleurs continuent leur activité, y compris les nationaux. On fait des patrouilles et des saisies d’outils de travail, mais nous sommes confrontés à une réticence sourde », dit une source sécuritaire.  Dans cette zone, l’orpaillage est la seule activité des populations. Tout tourne autour de l’or. La non-interdiction de l’orpaillage traditionnel en territoire malien compromet la volonté sénégalaise de sauver la Falémé.

Au village de Kolïa, dans la commune de Bembou, la Falémé est juste derrière les concessions. La montée de son niveau à cause de la forte pluviométrie, a causé une inondation cette année. Du fait de l’ensablement causé par les activités aurifères, le niveau du fleuve est souvent en hausse. Koïla se sent plus Malien que Sénégalais. Les denrées alimentaires s’achètent au Mali. Le village n’a pas de structure sanitaire et la population se soigne au Mali. Le poste de santé de Moussala voisin ne peut pas satisfaire la forte demande. Pis, le village n’a pas de réseau téléphonique.

Dans ce village aussi, le décret interdisant l’exploitation de l’or n’est pas respecté. « Le travail continue et ce n’est pas seulement dans le village. C’est décevant que le président de la République prenne un décret que les gens ne respectent pas »,  s’insurge Kama Dansokho qui impute toute la responsabilité à l’extraction semi-mécanique des Chinois. Toutefois, un petit tour sur le site d’exploitation nous permet de nous rendre compte que les Chinois ne sont pas les seuls coupables.  Le matériel d’exploitation s’y étale à perte de vue, des sillons sont creusés pour le drainage de l’eau vers le fleuve. Les machines continuent de fonctionner. Les auteurs de ce désordre ne sont autres que les populations locales et les exploitants de la sous-région.

Pour rappel, le 31 juillet 2024, le président de la République, Bassirou Diomaye, Faye a décrété la suspension jusqu’au 30 juin 2027, pour nécessité de préservation de l’Environnement, de protection de la santé des populations et de sécurisation de la zone frontalière, toute opération minière ou délivrance de titre minier autour de la rive gauche du fleuve de la Falémé sur un rayon de cinq cents (500) mètres. Mieux, il a été décidé aussi que toute infraction aux prescriptions du présent décret est passible de sanctions prévues par la législation et la réglementation en vigueur. Le ministre des Forces armées, celui de l’Intérieur et de la Sécurité publique, leurs homologues de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, le Ministre de l’Environnement et de la Transition écologique, le Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement et le Ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires procèdent, chacun en ce qui le concerne, à l’exécution.

Plus d’un mois après cette décision, la réalité du terrain est que l’orpaillage traditionnel continue de plus belle. Aucune volonté de se plier à l’obligation de l’Etat n’est notée. La quête du métal précieux se poursuit avec ses effets dévastateurs sur l’environnement et la santé des populations sans aucune dissuasion.

Fatou NDIAYE, avec Sudquotidie

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