Notre pays est à l’image de l’un de ces « Grand-Place » qui font le charme de nos quartiers et où ne se retrouvent, généralement, que des hommes (Tiens, tiens…) pour jouer…aux dames (re-tiens tiens)… On y joue aussi à la belote, mais on y va surtout pour débattre de tout et bien souvent de…rien ! De l’actualité politique et sportive aux commentaires, et médisances, sur tout ce qui traverse leur espace visuel, des « especialistes » (écrit comme cela se prononce au Sénégal) disent et se contredisent systématiquement. Tous les jours, ces joutes oratoires se tiennent avec une rage telle que l’on croirait qu’ils en arriveraient aux mains. Que non ! Ce sont juste des poussées d’adrénaline qui drainent les colères rentrées et les frustrations contenues ! Des espaces de catharsis salutaires pour un pays où parler soulage.
Signe des temps ? L’occurrence des smartphones et la vulgarisation des réseaux sociaux est en train de tuer, à petit feu, ces espaces d’échanges qui avaient leur charme et une certaine forme d’humanité. Le paradoxe étant que l’esprit Grand-Place se reproduit sous la pire des formes pour nous hanter à travers les groupes WhatsApp et les live sur Facebook et autres plateformes. Avec l’inconvénient suivant : on peut parler pendant des années avec des personnes que l’on ne connaît pas. Que l’on n’à jamais vues. Et si, comme bien des fois, aucune photo de profil ne permet de se faire une idée de l’interlocuteur et si, en prime, celui-ci utilise un pseudo pour garder l’anonymat, le Grand-Place devient un cyberespace périlleux et, quant au fond, dangereux pour la cohésion sociale.
On voit ainsi se développer des méprises, on côtoie des usurpateurs d’identité. Des prétentions insensées cherchent à se légitimer, au travers de conflits verbaux qui rappellent les combats de Sancho Panca contre les moulins à vent. Des inconnus dans leur quartier se taillent un audimat à coup de propos indigents, fugaces et inutiles.
Je le disais dans un billet précédent : à défaut d’une modération technique et/ou juridique, les applications qui essaiment et qui brisent allègrement les équilibres socio-culturels doivent faire l’objet d’apprentissage. Pour le moins ! Une éducation à la culture des réseaux sociaux, ainsi qu’à l’utilisation intelligente des immenses opportunités qu’ils pourraient offrir à une jeunesse curieuse et volontaire s’impose. Malheureusement, le divertissement est passé pour être la principale attraction des jeunes, en plus des « shorts » ou la mégalomanie et la mise en scène de soi est la règle. Tout cela finira par créer une armée de malades mentaux qui vont, un jour ou l’autre, être complètement en déphasage avec le réel. Les éducateurs de notre pays ont du pain sur la planche !
A titre d’illustration, les débatsrécents sur la déclaration de politique générale du Premier Ministre , son opportunité et sa temporalité, sa place dans l’agenda républicain et sa justification, les pouvoirs attribuées aux différentes Institutions, leur portée et leurs limites, la dissolution de certaines institutions, qui figurait en bonne place dans les engagements du Président de la République élu, la résistance des députés de la majorité, toutes ces questions et bien d’autres, dans l’ordre mais surtout dans le désordre ont failli faire exploser le thermomètre social… dans les réseaux sociaux. On se croyait à la veille d’un conflit… nucléaire !
Et le Président de la République de siffler la fin de la récréation ! Dissolution et convocation du corps électoral pour le 17 novembre prochain Inch’Allah !
Pour changer le Sénégal, toutes les institutions doivent regarder dans la même direction. Le débat contradictoire constructif n’est pas une guerre des tranchées, ni un combat d’arrière-garde. La jeunesse sénégalaise a pris un pari sur l’avenir en tournant la page sur des dizaines d’années de mauvaises habitudes prises sur la gestion du bien commun ! Nous avons un besoin impérieux de nous rassembler autour de l’essentiel : l’avenir de nos enfants dans une Afrique libre, décomplexée et conquérante.
Tout le reste nous distrait. Aux urnes, citoyens !
Baaba