« La nuance est un art », m’avait soufflé mon professeur en Numismatique lors d’un atelier sur l’analyse d’un didrachme d’argent à tête de Janus, une pièce de monnaie antique avec le dieu romain aux deux faces. Après avoir suivi les deux matches du Sénégal contre la vaillante mais limitée équipe du Malawi, tout avis peut ne pas être définitif en ayant deux reflets contraires.
Le premier reflet dessine la face d’Aliou Cissé, qui avait l’art de s’en sortir toujours contre les équipes réputées petites, même laborieusement. Le premier tour de la CAN 2021 nous le rappelle très bien. Autre élément de similitude : les Lions, avec Pape Thiaw, éprouvent toujours autant de difficultés face à un bloc bas. Après des assauts dignes de Fort Alamo, Sadio Mané n’a pu qualifier le Sénégal à la CAN au Maroc que sur un magnifique coup franc à la 95e minute. Les attaques placées ne sont pas encore le fort du Sénégal. Les transitions rapides, en revanche, restent caractéristiques de l’équipe. D’ailleurs, sur les cinq buts marqués contre le Malawi en deux matches, seul celui de Pape Gueye à l’aller peut s’apparenter à une action construite.
Le deuxième reflet s’éloigne de Cissé et porte les signaux d’une révolution, même si c’est encore timide. Pape Thiaw n’hésite pas à faire des remplacements quand le scénario du match le lui dicte, comme la sortie de Formose Mendy à la mi-temps du match aller. Les entrées d’Ilimane Ndiaye, d’Habib Diallo, d’Ismaïla Sarr et de Pape Gueye ont permis de maintenir la pression sur les Malawites au retour. Cissé, tout comme Guardiola, n’était pas trop fan des remplacements précoces. Le choix de faire débuter El Hadji Malick Diouf n’est pas anodin, alors qu’Abdou Diallo, un grognard cher à Cissé, n’a pas joué une seule minute lors de cette fenêtre internationale.
Pour gagner un match, il suffit d’encaisser moins de buts que l’adversaire. C’est vrai. Mais il suffit aussi de marquer un but de plus que l’adversaire. Deux manières de voir le football, et Pape Thiaw semble plus enclin à la deuxième méthode, même si le score étriqué de Malawi-Sénégal ne le montre pas assez. Faire évoluer Mané, Jackson, Dia et Diarra pour attaquer un match à l’extérieur peut s’expliquer différemment. Est-ce la supposée faiblesse de l’adversaire ? Une philosophie de jeu ? Ou tout simplement l’envie de séduire un public sénégalais friand d’une équipe attrayante offensivement, afin d’étirer ce statut fragile d’intérimaire ? C’est certainement les trois à la fois.
Propulsé de manière inattendue à la tête des Lions avec l’ambition de la qualifier à la CAN, la charge n’était pas monumentale. Pape Thiaw s’en est acquitté sans brio. Est-ce suffisant pour poursuivre à la tête de l’équipe nationale du Sénégal ? Sans doute que la réponse est beaucoup plus complexe que la simplicité de la question. Elle demanderait plus de nuance, comme pour lire les deux faces de Janus. MD