À 48 heures de la date fixée pour la Déclaration de Politique Générale et à la veille d’une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale, l’incertitude règne. Le Premier ministre Ousmane Sonko fera-t-il face à la représentation nationale ?
À 48 heures de la date fixée par le président de la République pour la DPG et à 24 heures de la date fatidique du 12 septembre annoncée par le Premier ministre Ousmane Sonko comme le dernier jour de la présente législature, la polémique enfle et les Sénégalais ne savent toujours pas si le PM va faire face à la représentation nationale, encore moins si l’Assemblée sera dissoute demain ou pas.
Le Premier ministre Ousmane Sonko fera-t-il sa déclaration de politique générale ? La question suscite pas mal de débats au sein de la classe politique. Si, au départ, beaucoup d’observateurs étaient très pessimistes, les tendances ont été renversées depuis quelque temps, avec l’intervention du président de la République. Alors que les députés s’entredéchiraient autour de la date de la DPG, Diomaye est monté au créneau pour fixer, en des termes non équivoques, que la DPG aura lieu le 13 septembre.
Et c’est le ministre chargé des Relations avec les institutions, Yankhoba Diémé, qui a livré la bonne nouvelle à l’Agence de presse sénégalaise (APS). « Le président de la République, conformément à ses prérogatives constitutionnelles et à l’histoire du Sénégal, a informé l’Assemblée nationale dans une lettre en date du 6 septembre 2024 de la tenue, le vendredi 13 septembre, de la DPG, conformément au règlement intérieur de l’institution parlementaire en son article 97 », avait annoncé le ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les institutions.
Dans la foulée, l’Assemblée nationale est montée au créneau pour réajuster son calendrier pour la session extraordinaire, en vue de se conformer au vœu du chef de l’État.
Malgré ces actes posés par les uns et les autres, ils sont encore nombreux les Sénégalais à s’interroger sur la tenue de la déclaration de politique générale. La plupart se fondent sur la sortie d’Ousmane Sonko annonçant, dans une allusion à peine voilée, que l’Assemblée sera dissoute le 12, c’est-à-dire demain.
Dans une de ses récentes sorties, l’ancien député responsable au Parti démocratique sénégalais, Doudou Wade, prévenait : ‘’Le président ayant la priorité a dit que ce sera le 13 ce sera le 13 (septembre). Maintenant, vous me demandez si Sonko sera à l’Assemblée nationale pour faire sa DPG ; je le pense. Si le président de la République reste l’autorité suprême qui a nommé Ousmane Sonko comme Premier ministre, Ousmane y sera. Si maintenant c’est Ousmane le chef, il peut décider de ne pas y aller.’’
L’Assemblée sera-t-elle dissoute demain ?
Comme pour en rajouter à la polémique et aux suspicions, le Premier ministre est encore revenu à la charge, récemment à Matam, pour annoncer une adresse à la nation du président de la République. Il affirmait : ‘’Nous avons trouvé ce pays dans un état critique ! Je l’avais déjà mentionné précédemment, mais certains ont choisi de mal interpréter mes propos. Le président s’adressera aux Sénégalais dès son retour et leur expliquera la situation dans laquelle nous avons trouvé ce pays.’’ Après cette intervention du président Diomaye Faye, ajoutait-il, ‘’les ministres prendront le relais pour approfondir les explications’’. Il est essentiel, selon le PM, de dresser un état des lieux. ‘’Nous entamerons ensuite une phase de redressement, suivie d’une phase de décollage, avant d’arriver à la stabilisation du pays’’, a-t-il relevé.
Autant d’actes contribuent à alimenter la polémique sur sa volonté de faire face à la représentation nationale.
Ce qui est sûr, c’est que tout ne tient qu’à la volonté du chef de l’État, patron d’Ousmane Sonko. Soit il rejoint son PM dans sa volonté de ne pas faire la DPG, soit il lui enjoint d’aller remplir cette exigence constitutionnelle que constitue la DPG.
Ne pas le faire, selon beaucoup d’observateurs, serait synonyme d’un grand manque de respect envers les institutions, la Constitution et sa propre parole. Cela voudrait dire que Diomaye s’est joué de tout le monde en donnant une date pour la DPG, tout en sachant, comme le révélait Sonko, qu’il va dissoudre l’institution parlementaire le 12 septembre.
Pour toutes ces raisons, c’est le fait de ne pas faire la DPG qui serait surprenante. Jusqu’à la preuve du contraire, le président de la République s’est toujours montré très sérieux et responsable dans ses différentes déclarations. Mieux, il a toujours affiché sa volonté d’être un président au-dessus de la mêlée. L’on se rappelle la sortie du PM menaçant d’aller faire sa déclaration de politique générale devant une assemblée populaire et tout ce qui s’en est suivi. Il aura fallu une intervention du chef de l’État pour décanter la situation.
Finalement, l’Assemblée n’a pas mis à exécution sa menace de faire réviser la Constitution. Ousmane Sonko a aussi sursis à faire sa déclaration devant une assemblée populaire.
Stabilité politique et institutionnelle du pays
Il faut rappeler qu’une dissolution de l’Assemblée nationale dans ce contexte va être lourde de conséquences. Au-delà du régime d’exception pour le budget 2025, cela entamerait sérieusement la bonne image des institutions sénégalaises et risque d’impacter les rapports avec certains partenaires techniques et financiers. Le chef de l’État semble être bien conscient des enjeux.
En Conseil des ministres, hier, il a réitéré sa volonté de ne pas affaiblir les institutions. ‘’Le président de la République, garant du fonctionnement régulier des institutions, a mis l’accent sur les relations entre le pouvoir Exécutif et le pouvoir Législatif’’, lit-on dans le communiqué du CM. Conformément à l’article 55 de la Constitution, il estime que ‘’le gouvernement est responsable devant le président de la République et devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues par les articles 85 et 86 de la Constitution’’.
Voilà pourquoi, explique le président Diomaye, ‘’il attache du prix au respect des prérogatives constitutionnelles, des compétences et missions de chaque institution de la République. Car la bonne qualité des rapports entre les institutions détermine fondamentalement la stabilité politique et institutionnelle du pays ainsi que la mise en œuvre optimale des politiques et programmes publics indispensables au bien-être de nos populations’’.
Le communiqué informe que le président de la République ‘’a fait valoir l’impératif de consolider, en permanence, un pouvoir Exécutif préventif et responsable et d’assurer, en toute circonstance, la continuité de l’État’’.
Les prochaines heures renseigneront peut-être sur ce que tout cela pourrait signifier.
Amadou Fall