La chute du régime de Bachar el-Assad est un séisme régional, notamment pour ceux qui l’avaient soutenu militairement ces dernières années : l’Iran, le Hezbollah libanais et les autres organisations revendiquant leur appartenance à « l’Axe de la résistance ». La République islamique voit se disloquer son réseau régional d’influence.
Faut-il parler de l’Axe de la résistance au présent ou au passé ? La question se pose pour décrire ce groupe auquel appartenait la Syrie, avant la chute de Bachar el-Assad. Iran, Hezbollah libanais, Houthis du Yémen, Hamas palestinien, milices chiites d’Irak… L’Axe de la résistance n’a jamais été une organisation officielle mais plutôt une alliance d’États et de groupes armés revendiquant leur « résistance » face à Israël et aux États-Unis, dans la région. Le terme a été façonné en réponse à la formule « Axe du Mal » employée par le président américain George Bush avant son invasion de l’Irak en 2003.
Cet axe de la résistance s’est depuis mobilisé à plusieurs reprises. En 2011, en Syrie déjà, quand les Gardiens de la révolution iraniens et le Hezbollah libanais ont volé au secours de Bachar el-Assad, menacé par le soulèvement et la rébellion. Puis plus récemment, à partir d’octobre 2023, lorsque l’Axe de la résistance a revendiqué des tirs de missiles, de roquettes et de drones contre Israël, au nom du soutien aux Palestiniens.
La bataille de trop
Ce fut la bataille de trop, celle qui a épuisé et exposé la vulnérabilité des alliés de l’Iran. Le Hezbollah a été brisé par les attaques israéliennes de ces derniers mois au Liban, alors que les forces iraniennes étaient durement touchées par les bombardements israéliens en Syrie. La suite, on la connait : l’effondrement du régime en quelques jours, faute de défenseurs, ni soldats russes, ni combattants de l’Axe pro-Iran.
Une défaite militaire pour l’Iran et ses alliés, mais aussi un fiasco stratégique. La Syrie (via le territoire irakien) était devenue le corridor terrestre de l’influence iranienne, jusqu’en Méditerranée, jusqu’aux frontières d’Israël. Une route permettant à l’Iran d’acheminer armes et hommes jusqu’en Syrie ou au Liban et qui, dans l’autre sens, permettait au Hezbollah libanais de circuler librement sur d’autres théâtres d’opérations.
Il faut y voir également un échec idéologique. Le « front uni » des alliés de l’Iran est en miettes. À tel point que le Hamas palestinien félicite les Syriens pour la chute de Bachar el-Assad. Spectaculaire revirement du mouvement islamiste palestinien qui a lancé les attaques du 7 octobre en Israël, suscitant dès le lendemain le soutien armé du Hezbollah, des Houthis yéménites et des milices chiites d’Irak.
La tentation du « coup de grâce »
Quelles conséquences l’Iran peut-il tirer de cette dislocation de son réseau d’influence dans la région ? Parmi les scénarios, celui qui verrait cet Iran affaibli accélérer sur son programme nucléaire. « un moyen de faire peur à l’Occident en jouant sur l’idée d’une militarisation rapide du programme nucléaire iranien », analyse le chercheur et spécialiste de l’Iran Clément Therme.
L’affaissement de l’emprise régionale de l’Iran est-il forcément un facteur de stabilité dans la région ? Il est probable que l’Arabie saoudite se félicite discrètement des ennuis du rival iranien, « mais les puissances arabes du Golfe souhaitent avant tout la stabilité et le maintien d’un dialogue régional avec l’Iran, pour éviter une escalade militaire » poursuit Clément Therme.
Reste à savoir comment les faucons israéliens et américains se comporteront dans les prochaines semaines. « En Israël, il peut y avoir la tentation du “coup de grâce”, estime Clément Therme, si ce n’est le coup de grâce achevant la République Islamique, ce serait celui qui stopperait son programme nucléaire ».
Le visage de Qassem Soleimani
Durant son premier mandat, Donald Trump a été le président de la « pression maximale » exercée sur l’Iran et ses alliés. De retour à la Maison-Blanche, il sera face à une République Islamique isolée, car privée de son « Axe de la résistance ».
Sur les routes du Liban ces derniers jours, de nouveaux portraits sont apparus : celui du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah côtoie les visages des chefs du Hamas, Ismael Hanyeh et Yahya Sinwar, tous ont été tués par Israël ces derniers mois. « Martyrs » de l’Axe de la résistance, ils sont souvent représentés aux côtés de Qassem Soleimani, général des Gardiens de la révolution iraniens, figure emblématique de l’unification des forces de l’Axe de la résistance. L’officier a bâti sa légende sur les fronts régionaux où l’Iran a étendu sa présence militaire au cours des dernières années, à commencer par la Syrie. Qassem Soleimani a été tué par une frappe américaine à Bagdad en janvier 2020. Cinq ans plus tard, c’est son héritage militaire qui agonise.
Par :
Nicolas Falez