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L’idée d’une dissolution du parlement gagne du terrain. Mais cette option ne serait pas sans risques : complications électorales, contraintes budgétaires et potentielle instabilité politique. Le président saura-t-il naviguer dans ces eaux troubles ? La « rupture systémique » annoncée par la «Coalition Diomaye Président» via le Projet et les politiques publiques que celui-ci sous-tend, n’est pas partie pour être un long fleuve tranquille pour le nouveau pouvoir. Face à une Assemblée nationale sous contrôle de l’opposition, le camp présidentiel vit sous la menace constante d’un bras de fer qui ne présage pas d’une victoire assurée d’avance. Suffisant pour beaucoup d’acteurs de proposer une dissolution de la législature 2022-2027 pour donner au chef de l’Etat et au gouvernement, via des élections anticipées, la force législative requise pour matérialiser les « ruptures » prônées. Reste à savoir si le président Diomaye Faye ira jusqu’au bout de la realpolitik et mettra fin, en temps utile, au mandat de la quatorzième législature. Une mesure qui n’irait pas sans risques majeurs, aussi bien au niveau de la chose électorale que du côté des contraintes budgétaires.

La quatorzième législature serait-elle en train de vivre ses dernières semaines ? En tout cas, la question ne cesse de turlupiner les analystes, observateurs et acteurs de la scène politique. Elus députés aux élections législatives de Juillet 2022, pour cinq années, les 165 parlementaires de la législature en cours pourraient ne pas aller jusqu’au bout de leur mandat au sein de l’hémicycle. Et pour cause ! La dissolution de l’Assemblée nationale dominée par la majorité Benno Bokk Yaakaar, l’ancienne coalition au pouvoir de 2012 à 2024, est plus en plus supputée au sein de la nouvelle galaxie présidentielle. Et cela au-delà même du bras de fer autour de la tenue de la déclaration de politique générale qui a opposé, pendant plus d’un mois, le nouveau Premier ministre Ousmane Sonko et le bureau de l’Assemblée nationale, sous dictée Benno. Une confrontation qui a suscité l’intervention du chef de l’Etat, la conciliation des différents présidents de groupes parlementaires et autres députés non-inscrits, pour aboutir finalement à la satisfaction de la requête du chef de gouvernement, à savoir la réactualisation des dispositions du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale relativement à la fonction de Premier ministre.

La galaxie présidentielle à l’avant-poste

Aminata Touré, l’ancienne Première ministre, membre de la coalition « Diomaye Président », avait été la première à monter au créneau pour réclamer la dissolution de l’Assemblée nationale. S’invitant au temps dans la polémique sur le délai de la Déclaration de politique générale du Premier ministre que certains considéraient comme une violation de la Constitution, la patronne du mouvement « Mimi 2024 » avait appelé à aller vers la suppression de la quatorzième législature. Comme argument, elle avait avancé, sans fioritures, qu’«une déclaration de politique générale devant une Assemblée nationale qui ne reflète pas la volonté populaire n’a aucun sens ».

Et de poursuivre : « L’actuelle Assemblée nationale ne reflète en rien la volonté populaire exprimée le 24 mars dernier. Le candidat de la Coalition Benno Bokk Yakaar artificiellement majoritaire à l’Assemblée nationale @amadou_Ba a été battu dès le 1er tour en ne collectant que 35% des suffrages».

Et Mimi Touré de se demander : « Pourquoi le Premier ministre devrait présenter une déclaration de politique générale devant une Assemblée nationale qui n’a plus aucune légitimité ? ». L’ancienne présidente du Conseil économique et social (Cese) avait par suite relevé que « La volonté de changement des Sénégalais a été nette et franche en élisant le Président @PR_Diomaye à 54%. Donc que l’on aille résolument vers la dissolution de l’Assemblée Nationale dès le 31 juillet et qu’une nouvelle Assemblée nationale soit élue et alors la DPG du Premier ministre aura du sens puisqu’il (Ousmane Sonko-ndlr) présentera la vision et les perspectives de son gouvernement à des députés légitimement élus pour les cinq prochaines années ».

Confortant Aminata Touré, Lansana Gagny Sakho, le Coordonnateur du Programme politique et législatif de Pastef, a appelé à son tour à la dissolution de l’actuelle Assemblée nationale dès le mois de septembre prochain et la tenue d’élections législatives anticipées.

Invité de l’émission Objection de la radio Sud Fm, le dimanche 21 juillet, le nouveau PCA de l’APIX indiquait que de nouvelles élections allaient non seulement permettre de disposer d’une Assemblée nationale correspondant à la démocratie de notre pays post alternance mais aussi permettre au Président Bassirou Diomaye de pouvoir mettre en œuvre le projet politique que les Sénégalais ont primé le 24 mars dernier. Aussi avait-il déclaré : « Je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais je partage exactement le même point de vue que la présidente Mimi Touré… Les Sénégalais ont, dans leur grande majorité à 54, 28%, décidé de choisir librement le Président Bassirou Diomaye. Donc, il faut lui donner les moyens de gouverner. Et ces moyens de gouverner, c’est qu’il y ait une majorité à l’Assemblée nationale ».

Et de poursuivre : « Ce qu’on a vu à l’Assemblée nationale doit nous pousser à re-profiler le type de député que nous devons avoir dans cette institution. On a vu des choses incroyables que le Sénégal ne mérite pas. Et rien que pour ça, je pense qu’il faut aller dans cette logique, avoir une Assemblée nationale qui soit vraiment représentative, pas une Assemblée qui soit une caisse de résonance. On a vu certains députés de Pastef apostropher les ministres actuels ? C’est comme ça qu’une Assemblée nationale doit fonctionner. Notre pays mérite mieux que ce que nous avons aujourd’hui ».

La dernière réaction en date, et non des moindres, sur la nécessité de dissoudre l’Assemblée nationale, est celle du député de Tekki Mamadou Lamine Diallo. Se prononçant sur la modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la semaine dernière, le député de Tekki n’avait pas manqué de balancer un véritable «coup de gueule», en se prononçant sur la pertinence de cette Assemblée nationale qui était en procédure d’urgence pour la mise à niveau de son Règlement intérieur. «Je suis peut-être compliqué, mais cohérent… L’Assemblée nationale (le Président, le Bureau, la Conférence des Présidents, les députés) savent depuis novembre 2022 que le Règlement intérieur distribué en octobre 2022 aux députés est un faux. La société civile était au courant aussi. On n’a rien fait. Brusquement, voilà qu’on nous convoque en procédure d’urgence après 21 mois. Bien que la correction du Règlement intérieur s’impose évidemment… il est temps de dissoudre l’Assemblée nationale pour que le peuple élise des députés plus responsables et plus rigoureux, d’ailleurs seuls aptes à écouter un discours de politique générale de rupture ». Dans sa diatribe contre la représentation parlementaire dont il plaide la dissolution, Mamadou Lamine Diallo, par ailleurs candidat à la dernière présidentielle, n’avait pas manqué de rappeler que c’est cette même Assemblée qui a voulu prolonger le mandat du président Macky Sall en reportant l’élection présidentielle de février 2024 en violation flagrante de la Constitution.

Le nouveau régime gêné aux entournures

Les arguments des uns et des autres, appelant à la dissolution de l’Assemblée nationale, plus ou moins tangents, le nouveau régime se retrouve en face d’une donne politique cruciale : comment donner corps et forme au Projet et aux politiques publiques qu’il est censé porter avec une représentation parlementaire majoritairement dominée par l’opposition ? La quatorzième législature forte de 165 membres, dont le mandat prend fin en juillet 2027, est sous contrôle de l’ancienne coalition au pouvoir, Benno Bokk Yaakaar, qui dispose de 83 sièges, en somme d’une majorité absolue qui peut lui permettre de dicter sa loi sur tous les actes législatifs, y compris faire adopter une motion de censure qui pourrait contraindre le Premier ministre, Ousmane Sonko, et son gouvernement à la démission. Pis, cette majorité pourrait se montrer réticente à toute mutation du Programme Sénégal émergent, le référentiel de politiques publiques qu’elle a vigoureusement supporté pendant une dizaine d’années. La coalition Yewwi Askan Wi à laquelle le parti Pastef-Les Patriotes (27 députés) appartient ne dispose aujourd’hui que de 39 députés après sa rupture avec la plateforme Taxawu Sénégal de l’ancien maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall dont les 14 députés sont devenus des non-inscrits. Quant au groupe parlementaire « Liberté, démocratie et changement » du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui a soutenu la candidature de l’actuel chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, au détriment du candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar lors de la présidentielle 2024, il ne dispose que de 27 députés. Qui plus est, le Parti démocratique sénégalais (ancien parti au pouvoir de 2000 à 2012) qui a accompagné le nouveau régime dans le cadre d’une alliance de circonstance n’a pas assuré de son soutien constant. Celui-ci voguera au gré des intérêts et contexte politiques de l’heure pour un parti en quête de son lustre des années 2000 et qui n’a jamais cessé de faire de la conquête du pouvoir son objectif absolu.

Liberté de manœuvre en question

Question à mille balles donc : le nouveau pouvoir a-t-il les coudées franches ou même des garanties pour s’accommoder d’une majorité parlementaire dominée par l’opposition ? Ou a-t-il simplement le choix avec un pouvoir législatif sous contrôle du camp d’en face, pour asseoir la politique dite de « rupture systémique » vendue aux suffragants sénégalais qui lui ont donné la majorité à la présidentielle de mars 2024 ? Le boycott par le bureau de l’Assemblée nationale du débat d’orientation budgétaire 2025-2027 qui était prévu pour se tenir, au sein de l’hémicycle, avec le ministre des Finances et du Budget Cheikh Diba, est déjà assez révélateur de l’ambiance générale de confrontation ouverte par l’opposition avec le nouveau régime, sous pilotage Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Comme si une intention de revanche sourde planait dans l’air pour l’ancienne coalition au pouvoir, non encore remise de sa débâcle de mars 2024, et patientant la moindre occasion pour sortir enfin victorieuse du fameux «gatsa gatsa» qui l’a débusquée de la magistrature suprême ! C’est dire que face à la realpolitik, le régime de Bassirou Diomaye Diakhar Faye ne dispose pas de la liberté de manœuvre requise pour concrétiser, avec le concours d’un pouvoir législatif adapté, sa vision du Sénégal. Reste maintenant à savoir si le nouveau pouvoir franchira le Rubicon et quand, même si cette dissolution de la quatorzième législature est lourde d’embûches, en relation avec la question piège du parrainage en cas d’élections anticipées ou l’équation du budget de telles joutes, actuellement non prévu par la loi des finances. Selon certains spécialistes, au cas où l’Assemblée nationale serait dissoute, il ne pourrait y avoir en effet ni vote de loi des finances rectificative ni autorisation au président de la République à gouverner par ordonnance en vue d’ordonner lui-même le décaissement du budget.

Moctar DIENG 

editor

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