L’Ums a une position tranchée en ce qui concerne l’ouverture du Conseil supérieur de la magistrature à des personnalités extérieures. Pour le patron de l’Ums, le Csm, contrairement à l’Assemblée nationale, ne peut en aucun cas être un reflet de la société, puisqu’étant un organe statutaire régissant la carrière des magistrats. Mieux, le patron de l’Ums estime qu’ouvrir le Csm à des personnes extérieures qui accèdent aux dossiers individuels des magistrats pour discuter de leur carrière pose problème.
Si l’Ums ne s’oppose pas à l’entrée du chef de l’Etat et du garde des Sceaux au Csm, ce n’est pas le cas de l’ouverture du conseil à des personnalités extérieures. “L’ouverture du Conseil supérieur, organe statutaire, à des personnalités extérieures, a également été agitée pour assurer, dit-on, une transparence dans la gestion de nos carrières et éviter, par voie de conséquence, que les choix ne puissent être motivés que par du simple copinage, il a également été soutenu que pour que les citoyens aient confiance en la justice, l’ouverture est une nécessité, puisque le conseil doit refléter les aspirations du peuple. Toute une campagne de presse animée par ceux qui aspirent à faire leur entrée au conseil et leurs souteneurs qui ne sont pas du pouvoir judiciaire a été lancée pour essayer de légitimer une telle démarche. Face à cette agitation médiatique, nous répondons simplement que tout juriste quel que soit son niveau n’est ni juge, ni procureur, tant qu’il n’aura pas reçu la formation y afférent après avoir réussi au concours d’entrée au Centre de formation judiciaire et franchi l’étape de l’examen de sortie, d’où la distinction fondamentale à faire entre le juridique se disant de choses propres au droit et le judiciaire relatif à l’application de la loi”, fait remarquer le patron de l’Ums.
Le Csm ne peut être en aucun cas le reflet de la société
“Les procéduriers que nous sommes devons nous interroger sur la qualité de ceux qui, d’une part, parlent au nom du peuple sans aucun mandat et d’autre part de ceux qui sont supposés siéger au conseil sans être magistrats, pour représenter qui et pour apporter quelle plus-value ? Comment peut-on prétendre mieux défendre les magistrats eux-mêmes ou les rassurer pour des questions relatives à leur carrière, en leur présence de surcroît, avec un amalgame fait entre l’administration de la justice et la magistrature. Contrairement à l’Assemblée nationale, le Conseil supérieur de la magistrature ne peut en aucun cas être un reflet de la société, puisqu’étant un organe statutaire régissant la carrière des magistrats”, explique le président Chimère.
Des personnes ayant des colorations politiques ou défendant des intérêts particuliers sont incompatibles avec toute idée de justice
“Le subjectivisme qui motive le reste de l’argumentaire nous amène à faire les remarques suivantes : En dehors du fait qu’aucun élément objectif pouvant étayer un tel raisonnement n’ait été développé par ses théoriciens, il peut aisément leur être opposé puisque le risque de voir des lobbies être à l’origine d’une proposition ou d’un soutien de candidat à un poste n’est pas à écarter. De plus la possibilité de voir des personnes ayant une coloration politique ou défendant des intérêts particuliers siéger en conseil relève de l’évidence, deux choses interdites aux magistrats, incompatibles donc avec le statut et avec toute idée de justice. Ceux qui ont la lourde tâche de juger leurs semblables puisque dans une République tout le monde est justiciable, avec des procédures aussi complexes les unes des autres, qui sont gardiens des droits et libertés consacrés par la Constitution, qui sont garants de la sincérité et de la régularité des scrutins présidentiel et législatif, et qui ont le pouvoir d’annuler les actes Législatifs et réglementaires seraient donc dans l’impossibilité d’assurer dans la transparence la gestion de leurs carrières motivant de ce fait un appel à l’extérieur”, renchérit me patron de l’Ums.
Ouvrir le conseil à des personnalités étrangères, accéder aux dossiers individuels des magistrats, et discuter de leur carrière pose problème
Dans un système de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice, garanti par la constitution, l’Ums est d’avis qu’il serait plus judicieux pour l’exécutif désireux de procéder à des réformes dans le domaine du judiciaire de se concerter au préalable avec les principaux concernés, à savoir la hiérarchie judiciaire ou l’instance représentant les magistrats, notamment quand cela ne concerne que la gestion des carrières. “Ouvrir le conseil à des personnalités étrangères s’érigeant à tort en caution de l’indépendance de la justice avec la conséquence pour ces dernières de pouvoir accéder aux dossiers individuels des magistrats, et discuter de leur carrière pose problème”, dénonce le président Chimère qui rappelle que le Csm est régi par une loi organique conformément aux dispositions de l’article 90 de la Constitution et qu’il faut nécessairement passer par le Législatif, autre pouvoir indépendant pour la modifier, le tout sous le contrôle du Conseil constitutionnel avant sa publication. A l’en croire, il serait souhaitable de laisser chacun jouer son rôle.
Permettre au Csm de faire lui-même des propositions de nomination, de définir des critères de choix…
Poursuivant, il rappelle que de 1960 à nos jours, plusieurs générations de magistrats et pas des moindres se sont succédé et aucun besoin de faire appel à l’extérieur, surtout pour donner un point de vue sur le déroulement des carrières, ne s’est fait ressentir. “Nos doyens qui sont toujours avec nous ne se reconnaissent pas dans ce genre de débat. Il convient également de préciser que lorsque le conseil statue en matière disciplinaire, seuls les magistrats siègent. Toutes les décisions relatives à la carrière entraînent leur lot de bonheur, de frustration et de mécontentement dans tous les domaines d’activités, et nous sommes d’avis qu’il y a des réformes internes à entreprendre allant dans le sens de renforcer la représentation des différents grades au sein du conseil, de permettre à cet organe de faire lui-même des propositions de nomination, de définir clairement des critères de choix, de recueillir impérativement l’avis des chefs de juridiction lorsque des magistrats de leur ressort sont concernés par des mesures et de rendre obligatoire la convocation des pré conseils. Nous sommes conscients du fait que la justice est rendue au nom du peuple qui a un mot à dire sur son fonctionnement en précisant cependant que nous ne jouons aucun rôle dans le processus de création et d’adoption des lois que nous appliquons qui sont du ressort de l’exécutif et du Législatif. Cependant la responsabilité de l’application nous incombe, à nous donc de tout faire pour mener à bien notre noble mission en n’oubliant pas que toutes les décisions que nous rendons ont des conséquences positives ou négatives sur les citoyens. Mais quand il s’agit du statut de la magistrature, la priorité doit être donnée à ceux qui ont opté pour cette voie en tenant compte de la particularité du secteur”, explique le président de l’Ums.
Laisser à la judicature ce qui lui appartient
Selon l’Ums, la justice distributive étant rendue au nom du peuple, la magistrature ne peut prétendre avoir un monopole sur son fonctionnement. “L’idéal serait de créer un cadre de dialogue qui pourrait permettre de débattre des orientations et des réformes à apporter pour une meilleure efficacité du secteur en y associant toutes les franges de la population susceptibles de jouer ce rôle à l’exclusion des questions relatives à la carrière des magistrats et aux procédures disciplinaires. Nous le disons encore une fois, l’indépendance de la justice est garantie par la constitution elle-même et non par la présence de personnalités extérieures, et le pouvoir judiciaire est exclusivement incarné par le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, la Cour des comptes, les cours et tribunaux. Il convient de laisser à la judicature ce qui lui appartient. En effet, la magistrature est un corps avec un statut à respecter et les restrictions et interdictions qui la caractérisent ne s’accommodent pas de certains raccourcis”, souligne le patron de l’Ums.
Sur l’âge de la retraite, l’Ums fait état de droits acquis qui ne peuvent être modifiés sans l’accord des titulaires
Concernant l’âge de la retraite évoqué lors du dialogue national, l’Ums s’est exprimé en faveur d’une harmonisation non pas vers le bas ce qui serait contraire à la théorie des droits acquis en droit du travail, mais dans le sens le plus favorable au salarié. “S’il n’est pas contesté qu’une loi peut toujours revenir sur une disposition légale antérieure, lorsqu’il s’agit cependant de droits subjectifs résultant d’une situation contractuelle, ils constituent des droits acquis qui ne peuvent être modifiés sans l’accord des titulaires. Plusieurs magistrats bénéficient actuellement de cette prolongation, serait-il juste d’autorité d’y mettre un terme et les envoyer directement à la retraite sans le respect de ce préalable ? La magistrature n’est pas le secteur où l’Etat recrute le plus, donc l’argument tiré de l’emploi des jeunes, fondé en soi, ne peut à lui seul justifier cette prise de position puisque sur l’étendue du territoire, le nombre de magistrats tourne autour de 530 pour une population de 18 millions d’habitants”, rappelle Ousmane Chimère Diouf.
Faire bloc et aller vers l’essentiel face aux attaques injustifiées de l’extérieur
Face aux attaques, l’Ums a invité ses membres à la solidarité interne. “Nous devons face aux attaques parfois injustifiées de l’extérieur, faire bloc et aller vers l’essentiel en ayant un seul objectif, faire en sorte que la justice reste à la place qui doit être la sienne, ce qui nous oblige au strict respect de notre serment. L’Ums, fidèle à sa ligne de conduite, ne participera à aucune polémique sur la place publique mais se chargera quand elle l’estimera nécessaire de rappeler certains principes”, tranche le président Chimère.
M. CISS
LES ECHOS