Il était impensable de parler politique à Thiès sans le parti Rewmi. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, en plus d’être quasiment absent des joutes législatives, le Parti vit des heures difficiles. Entre des leaders aux abonnés absents, les contrecoups de choix politiques peu populaires, des militants déboussolés…, l’horizon est sombre.
THIÈS – Qui l’eût cru ? Aucun membre du parti Rewmi investi dans les 46 départements du pays. Ce parti qui a fini deuxième à l’élection présidentielle de 2019 avec 20% des suffrages exprimés n’est plus que l’ombre de lui-même, jusque dans son fief, Thiès naguère sa chasse gardée. La décadence est grande. Elle est palpable au siège du parti situé au quartier Escale. À l’entame de la deuxième semaine de campagne, ailleurs, les activités s’intensifient. Ici, c’est à peine si on n’entend pas les mouches voler. À l’entrée du bâtiment, un petit bureau à gauche. À l’intérieur, l’assistante permanente.
Pour occuper le temps, la dame, visiblement éleveur, coupe des cartons en petits morceaux. Après quelques salamalecs, elle contacte Cheikh Tidiane Lô, un des responsables. Ce dernier, probablement dans les parages, rapplique dare-dare. Il avait des choses à dire. D’une tenue décontractée, il débarque quelques minutes plus tard. L’amertume se lit facilement sur le visage de l’ex-adjoint au maire et ancien chef de cabinet du ministre des Sports Yankhoba Diattara quand il s’agit d’évoquer « l’état de santé » de son parti. Le diagnostic est implacable. « À l’élection présidentielle de 2019, Rewmi avait obtenu 20%. En 2024, on se retrouve avec 0,9%. En d’autres termes, on était à 130.000 voix en 2019 dans le département pour la présidentielle. En 2024, nous n’avons récolté que 27.000 voix.
Les contrecoups du compagnonnage avec l’Apr ?
Cela veut dire que les gens ne se retrouvent plus dans le parti. Avec cette dégringolade, la logique voudrait qu’on reparte à zéro avec de nouvelles orientations. Ce qu’on avait même proposé, c’est d’aller seuls aux législatives. Peu importe le résultat, cela nous aurait permis de nous jauger réellement », a-til indiqué. Salif Diop est enseignant. Ancien militant du parti, il dit avoir gelé ses activités depuis un certain temps. Pour lui, il ne s’agit pas de suivre un parti aveuglément, mais par conviction. « Quand j’ai adhéré à ce parti, on avait un projet commun.
Mais quand on ne maîtrise plus la direction, le mieux, c’est de se retirer. Un parti doit être dans l’opposition ou avec le pouvoir et l’assumer. Mais quand même le leader divague entre le pouvoir et l’opposition, on ne se retrouve plus », fulmine-t-il. Non sans ajouter que lui, comme beaucoup de camarades de parti, n’ont pas digéré le fait que le chef du parti ait décidé de rejoindre le pouvoir sous Macky Sall. « Il y a eu trop de tâtonnements dans les choix. À chaque fois, on a eu la chance de relever la tête, mais la dernière erreur était celle de trop », estime-t-il. C’est ce choix qui dictera d’ailleurs la décision du parti de rejoindre la coalition « Takku Wallu Senegaal ».
Là aussi, la mayonnaise ne prend pas. Rewmi vit même une désillusion depuis la publication des listes. Aucun responsable de Rewmi investi sur les 46 départements. Sur la liste nationale proportionnelle, le premier représentant du parti est à la 22e position. « À 99%, Rewmi se retrouvera avec zéro député », constate, avec regret, Cheikh Tidiane Lô. Une sorte d’humiliation qui a poussé les responsables à croiser les bras. « Avec toutes ces frustrations, certains ont tout simplement décidé de ne pas battre campagne ou de rejoindre d’autres listes », reconnaît-il.
Doudou Mbaye, ancien cheminot, estime que la mort du parti est antérieure à ces législatives. Selon lui, depuis que Idrissa Seck a rejoint Macky Sall et le pouvoir, le parti a commencé sa descente aux enfers. Cheikh Tidiane Lô, lui, se souvient de l’époque où Rewmi était une machine redoutable à Thiès. « Nous avions un bon maillage du département. C’est pourquoi, depuis 20 ans, nous y gagnions les élections. C’est en 2022 que Idy a perdu pour la première fois une élection ici à cause du vote sanction. Parce que les gens n’ont pas supporté qu’il ait rejoint l’Apr. C’était l’erreur de trop. Les gens étaient déçus. Aujourd’hui, il était hors de question, pour eux, de soutenir des gens qui ont presque signé la mort du parti », dit-il amer.
Il ne le cache pas. Le mal est profond. Les leaders sont quasiment invisibles. Quand Idy ne parle pas, quand Yankoba qui était numéro 1 à Thiès ne parle pas et décide de ne pas battre campagne, c’est parce qu’il y a problème, reconnaît-il. Cheikh Anta Diop, correspondant de la Rfm à Thiès, suit l’actualité du parti depuis plusieurs années. Pour lui, Rewmi aura beaucoup de mal à se relever.
« La principale raison, c’est que le numéro 2, Yankoba Diatara, est non seulement aphone, mais beaucoup de jeunes du parti ne sont plus prêts à le suivre. C’est pourquoi ça risque d’être très compliqué de se relever. La seule chance que je vois, c’est peutêtre le fait que la plupart des leaders n’ont pas rallié d’autres partis ou coalitions. Cela veut dire qu’il est encore possible de recoller les morceaux, mais ce ne sera pas chose facile. Il faut aussi que les orientations soient claires », analyse-t-il. Oumar FÉDIOR (Envoyé spécial)