Libération lève le voile sur une affaire aux allures de scandale national et international : les coûts pétroliers déclarés pour le champ gazier de Greater Tortue/Ahmeyim (GTA) révèlent des pratiques douteuses, où la transparence semble avoir été sacrifiée au profit de surfacturations et d’irrégularités comptables.
Un potentiel mondial entaché de zones d’ombre
Découvert en 2015 avec le puits Tortue-1, GTA avait tout pour être une fierté : un champ gazier promettant un Gaz Naturel Liquéfié (GNL) compétitif à l’échelle mondiale, fruit d’un partenariat transfrontalier entre le Sénégal et la Mauritanie. Pourtant, les rapports d’audit récemment révélés par Libération jettent une ombre sur cette ambition.
D’après le quotidien, des coûts pétroliers dits « récupérables » déclarés par les opérateurs, dont BP, Kosmos Energy et leurs sous-traitants, sont sérieusement mis en doute. Les auditeurs, notamment Mazars, pointent des irrégularités allant de l’absence de justificatifs probants à des surfacturations massives.
Chiffres gonflés et justificatifs absents
Entre 2012 et 2021, les coûts pétroliers pour GTA ont été déclarés à hauteur de 4,126 millions de dollars, dont une quote-part sénégalaise de 2,063 millions. Cependant, des anomalies graves entachent ces chiffres. Libération rapporte que :
• Timis Corporation a initialement imputé 1,846 million de dollars entre 2012 et 2013 sans justificatifs comptables clairs. Ces montants, rejetés puis réintégrés par BP, restent inexplicables selon les auditeurs.
• Kosmos Energy, opérateur sur une partie de la période, a également échoué à fournir des pièces justificatives pour des dépenses de 171,987 dollars, se contentant de simples factures sans contrats ou preuves de services rendus.
• Eiffage Marine, sous-traitant, aurait refacturé des charges fiscales de 12,063 millions de dollars comme des coûts récupérables, en contradiction avec les exonérations prévues par le Code pétrolier.
Des écarts troublants et des surfacturations massives
L’audit ne s’arrête pas là. Mazars met également en lumière :
• Une surévaluation des frais de siège de 301 millions de dollars, un écart monumental.
• Des erreurs dans les conversions monétaires, causant un surplus de coûts de 194,346 dollars.
• Des pièces justificatives insuffisantes pour des montants de 69,731 dollars liés à des contrats de construction et d’ingénierie avec Saipem.
Des tensions au sommet
Face à ces révélations, les nouvelles autorités sénégalaises envisagent de rectifier le tir. Mais, comme l’écrit Libération, les « tensions permanentes » entre le ministère de l’Énergie, la SAR et Petrosen compliquent l’harmonisation des positions. À cela s’ajoute la puissance des multinationales en jeu, rendant toute négociation délicate.
Quelles suites ?
Si GTA représente un enjeu stratégique pour le Sénégal et la Mauritanie, ce rapport d’audit met en lumière un dilemme crucial : comment concilier exploitation des ressources naturelles et souveraineté économique dans un cadre où les règles sont régulièrement contournées ?
Les révélations de Libération rappellent que les multinationales, malgré leur expertise, ne peuvent opérer sans un contrôle strict. Les conclusions de cet audit, avec des montants rejetés atteignant 54,694 millions de dollars pour le Sénégal, posent une question brûlante : qui protège les intérêts nationaux face à des géants aux pratiques opaques ?
La balle est désormais dans le camp des décideurs
Libération