Débatteur hors pair, à l’aise sur tous les sujets, particulièrement les questions de droit, Amadou Bâ est devenu une icône du parti Pastef. Militant de la première heure, la tête de liste départementale du parti à Thiès nourrit de grandes ambitions pour une Assemblée nationale qui a « besoin d’une vraie cure de jouvence », selon lui.
THIES – Il était à l’Assemblée nationale pour remplacer son camarade Birame Soulèye Diop, nommé ministre. Amadou Bâ veut y retourner. Mais, cette fois-ci, avec une mission de titan : réformer l’Hémicycle. Le défi est de taille. L’expérience, bien qu’elle n’ait duré que trois mois, aura sans doute suffi à la tête de liste départementale de Pastef à Thiès pour voir de plus près, les forces et faiblesses de la représentation nationale. Le diagnostic est sans appel. « L’Assemblée nationale est désuète et obsolète dans sa façon de fonctionner », dit-il sans ambages. Et d’ajouter : « Il n’y a même pas de site internet fonctionnel. En France, on peut suivre de partout le travail du parlementaire à la lettre. Chez nous, il n’y a même pas un serveur pour une adresse mail au nom de l’Assemblée ».
C’est pourquoi le juriste de formation estime qu’il faut une rupture systémique. « C’est la première fois qu’on voit un projet qui veut faire jouer à l’Assemblée son rôle de contre-pouvoir. Nous aurons une législature qui va exercer la plénitude des compétences que lui confère la Constitution. Cela ne veut pas dire être en opposition systémique avec le pouvoir. Cela ne veut non plus dire qu’on sera la cinquième roue de carrosse du gouvernement. Il nous faut exercer notre rôle de contrôle de l’action du gouvernement. Il nous faut vérifier les comptes publics, contrôler les ministres, relayer les doléances des populations », dit-il en substance.
Haute cour de justice
Pour Amadou Bâ, voter des lois et contrôler l’action du gouvernement sont autant de missions qui requièrent un certain nombre d’aptitudes. C’est pourquoi il croit dur comme fer qu’il faut réformer le règlement de l’Assemblée pour qu’il permette le renforcement des capacités des députés. « Il faut des réformes profondes. Changer les procédures, tempérer le fait majoritaire parce que l’Assemblée ne doit pas être une chambre d’enregistrement. Cette année, il y a quelque chose de fondamental, c’est la Haute cour de justice. Avec la législature précédente, le Président avait refusé l’installation de la Haute cour de justice. C’est pourquoi on ne pouvait juger aucun ministre, notamment ceux impliqués dans le rapport Force Covid-19. Notre rôle, dans le cadre de la reddition des comptes, c’est qu’une fois que des rapports auront montré que des ministres ou le président de la République, ou toute autre personnalité et leurs complices ont été épinglés, qu’ils soient jugés par la Haute cour de justice composée entièrement de députés, avec des décisions qui ne peuvent pas souffrir d’appels ou de cassation », indique le candidat. Cependant, Amadou Bâ souligne qu’il ne s’agit pas de faire de la Haute cour de justice la justice des vainqueurs. Il faut préserver les droits. Il faut aussi que tout gestionnaire de deniers publics qui n’a rien fait, en termes de mauvaise gestion, n’ait rien à craindre de la Haute cour de justice. « On parle de rupture », précise-t-il.
« C’est pourquoi, en amont, on demandera aux corps de contrôle de bien établir la culpabilité ou non des personnes », ajoute-t-il. Toujours dans cette dynamique de rupture, Amadou Bâ estime qu’il est important de doter l’opposition parlementaire à venir de moyens de contrôler l’ordre du jour de l’Assemblée. Mieux, soutient-il, certaines
fonctions doivent leur être réservées. « Le député doit aussi être doté de moyens. Les députés n’ont pas de bureau. Un député de Kédougou, ses mandants ne sont pas à Dakar. Si vous lui donnez un bureau à Dakar, les populations ne peuvent le voir. Ce sont des réflexions à mener. Il faut tout moderniser.
Homme de droit
Mais, qui est donc cet homme qui veut révolutionner l’Hémicycle ? Grand débatteur, c’est connu. Excellente maîtrise des questions de droit, le grand public le sait. Juriste de formation titulaire d’un Dea obtenu à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Amadou Bâ a poursuivi ses études en France, à l’Université de Reims. Il restera 20 ans dans l’hexagone. C’est là-bas qu’il se familiarise avec le social. Il a travaillé pendant plusieurs années dans l’accompagnement juridique des demandeurs d’asile en France. Ensuite, sur les droits des Sdf, les jeunes en situation d’insertion, le traitement des dossiers, le montage, toutes nationalités confondues. Au contact des victimes d’injustice et/ou des inégalités entre les pays, Amadou développe petit à petit un sentiment qui devient de plus en plus fort. C’est lui même qui le raconte : « Cela m’a permis de comprendre toutes les difficultés de l’Afrique et des autres pays sous-développés. Les inégalités des relations internationales sont énormes. La dépendance n’est pas abolie », raconte-t-il.
Le constat est implacable et il le voit au quotidien. Mais, comment y remédier ?
S’il était persuadé que le développement de l’Afrique en était la clé, il ne savait par où commencer. En 2011 déjà, il envisage de revenir s’installer définitivement au pays. « Mais, c’était difficile d’installer quelque chose au Sénégal. Il y avait trop de contraintes. En plus de cela, nous ne trouvions pas un parti qui nous permettait de véhiculer nos convictions », se souvient-il, un tantinet amer.
La rencontre avec Ousmane Sonko
Comme il venait très souvent rendre visite à la famille au Sénégal, Amadou Bâ fait la rencontre d’Ousmane Sonko. De longues discussions s’en suivent. C’est le début d’un compagnonnage. C’était en 2015. Amadou s’en souvient comme si c’était hier. « C’était aux balbutiements de Pastef. En rentrant de France, j’ai rencontré Ousmane Sonko. Après nos longues discussions, je lui ai dit que j’allais monter Pastef Thiès.
C’est ainsi qu’il m’a mis en rapport avec Birame Soulèye Diop, son collègue aux impôts. On a installé les premières cellules. On a sillonné tous les départements. C’était très dur au début. Mais, on avait déjà les idées. On nourrissait le même sentiment. C’était naturel. On avait déjà intégré le discours de Pastef. C’est pourquoi, dès les premiers contacts, on sentait qu’on avait les mêmes convictions », dit-il. Non sans rappeler n’avoir jamais milité dans un parti avant Pastef.
Oumar FEDIOR (Envoyé spécial)