Annoncé la semaine dernière, le Front pour la défense de la démocratie et de la république (Fdr), composé de plusieurs formations politiques, membres de l’opposition, a été mis sur pied. Et il faut dire que la structure qui regroupe pas moins de 70 formations politiques n’a pas été très tendre avec le régime lors de cette première sortie. Faisant le procès du régime actuel, ces membres de l’opposition ont fait remarquer que « l’accession au pouvoir de Pastef se singularise par une nette rupture du processus de consolidation de la démocratie sénégalaise qui s’est toujours inscrit autour de règles du jeu politique élaborées de manière consensuelle par tous les acteurs ».
La preuve, estiment les membres de la structure, « les élections législatives de novembre 2024 ont été caractérisées par une opacité notoire allant de la dissimulation de la date du scrutin pour surprendre l’opposition jusqu’à l’utilisation massive de la violence et les arrestations arbitraires, notamment à Dakar, le tout pour s’octroyer une majorité parlementaire mécanique. Ces manœuvres, s’ajoutant à une gestion unilatérale et non concertée du processus électoral, ont artificiellement amplifié une victoire qui était prévisible au vu de la tradition de donner au pouvoir entrant les moyens législatifs de gouverner.
«La composition de l’Assemblée nationale… ne reflète aucunement la réalité du rapport des forces politiques »
Cependant, soulignent-ils, « en dépit de ces manœuvres et de la transhumance massive des maires, 3.721.932 Sénégalais, soit plus de la moitié des électeurs, n’ont pas jugé utile d’aller voter et, parmi les votants, plus de 45% ont choisi les listes de l’opposition. Tout le monde comprend dès lors que la composition de l’Assemblée nationale, avec plus des deux tiers de députés affiliés à Pastef, ne reflète aucunement la réalité du rapport des forces politiques de notre pays. La démocratie supposant une expression plurielle des opinions, ces Sénégalais qui se sont exprimés massivement contre le pouvoir Pastef ont droit à la parole et à une représentation efficace ».
« Le maire de Dakar a été démis de ses fonctions dans des conditions indignes »
Et comme si cette majorité à l’Assemblée nationale ne suffit pas, estime le Fdr « le pouvoir Pastef s’enlise dans une logique de règlement de comptes et une volonté de liquidation des libertés démocratiques. Plusieurs journalistes et opposants ont été injustement emprisonnés ou poursuivis en justice en raison de leurs opinions. Certains détenus sont maintenus en prison pour des raisons opaques malgré que des conclusions des enquêtes leur soient totalement favorables. Le poste de Vice-président de l’Assemblée nationale, dévolu à l’opposition, a été illégalement confisqué par la majorité mécanique Pastef. Le maire de Dakar a été démis de ses fonctions dans des conditions indignes d’un pays démocratique, par une administration aux ordres ».
« L’immunité parlementaire d’un député a été scandaleusement levée, … des demandes de lever des immunités parlementaires pour des gestions relevant de la Haute Cour de Justice ont été actées »
Dans la foulée, « l’immunité parlementaire d’un député a été scandaleusement levée, sans que le pouvoir n’ait présenté un quelconque dossier incriminant le député et des demandes de lever des immunités parlementaires pour des gestions relevant de la Haute Cour de Justice ont été actées démontrant aux yeux de tous un dérèglement de la justice de notre pays. Les manifestations pacifiques des populations sont systématiquement interdites. Une campagne insidieuse est orchestrée contre les partis politiques et, par conséquent, l’esprit d’une compétition démocratique plurielle de plus en plus remis en question ».
« Pastef a fini d’entraîner de larges secteurs de la population dans la paupérisation et le désarroi »
Et, pour la première fois de notre histoire, déplorent-ils, « une révision ordinaire des listes électorales est engagée sans y associer les partis d’opposition. En effet, aucune rencontre avec les partis n’a été organisée à ce jour, ce qui constitue une trahison de nos traditions de concertation politique sur les opérations électorales et la mise à jour du Code électoral. Ce qui augure de nouveaux coups de force antidémocratiques, en relation notamment avec les prochaines élections territoriales. Par ailleurs, les dirigeants de Pastef, manifestement peu préparés à gérer le pouvoir, ont, en l’espace de quelques mois et à coups de tâtonnements, de populisme et de promesses sans lendemain, fini d’entraîner de larges secteurs de la population dans la paupérisation et le désarroi ».
« La quasi-faillite de l’État, après 10 mois de gestion aventuriste et médiocre de nos finances publiques, vient d’être officiellement avouée »
Pire, estiment certains leaders de l’opposition, « la quasi-faillite de l’État, après 10 mois de gestion aventuriste et médiocre de nos finances publiques, vient d’être officiellement avouée par le pouvoir. Et ce sont les populations déjà pressurisées qui en paient le prix. A l’exemple des victimes des inondations dans la vallée du Fleuve Sénégal qui se plaignent de l’absence de soutien effectif du gouvernement, malgré les importants moyens qui avaient été annoncés ou des paysans confrontés à l’échec de la campagne agricole, notamment arachidière, sans que le gouvernement ne songe un seul instant à des mesures de solidarité ».
Le désespoir de la jeunesse s’exprime, soulignent-ils, « dans la recrudescence préoccupante des départs en pirogue vers l’Europe et les images insoutenables des rassemblements consécutifs aux promesses intempestives de départ vers l’Espagne pour deux mois de cueillette dans les champs. C’est donc peu dire que d’indiquer que la désillusion a commencé à s’installer partout » !
« La désillusion a commencé à s’installer partout »
Face à cette situation, le Fdr promet de ne pas rester les bras croisés. Face à la presse, il a annoncé des activités allant dans le sens « la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, la fin des persécutions contre les opposants, les journalistes et les voix critiques, le respect effectif des droits constitutionnels, en particulier la liberté de manifestation pacifique et la liberté d’expression, l’ouverture immédiate de concertations politiques autour de l’évaluation des élections présidentielle et législatives et la revue du Code électoral et la révision concertée de la législation sur les partis politiques respectant le pluralisme et l’ensemble des garanties offertes par la Constitution ». Le Fdr promet, aussi, d’apporter « un soutien actif à l’ensemble des luttes engagées par les forces vives pour défendre leurs droits sociaux et économiques contre les agressions du pouvoir Pastef ».
Aïssatou TALL